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Soirée de fin d'année du 19 juin 2009

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Pour fêter la fin de cette première année "universitaire", l'association a organisé le 19 juin 2009 à la maison des associations du onzième une petite rencontre amicale et informelle autour d'un buffet. Étaient présents, entre autres, Hamou Bouakkaz, Maire adjoint à la vie associative et citoyenne, Bernard Teper, secrétaire générale de l'UFAL, Nicolas Franck, président de l'APPEP-IDF et une vingtaine d'auditeurs et d'enseignants. Voici le discours du président de l'association, Frédéric Dupin, et quelques photos de la soirée.
Monsieur le Maire-adjoint, chers amis,

Il y a quelques mois, certains s’en souviennent, c’était le 8 octobre 2008, nous étions réunis ici même pour lancer notre université populaire. Pour se jeter à l’eau serait plus juste, car en fait de lancement, nous ne songions pas plus qu’aujourd’hui à l’atterrissage, ou au confort des situations assurées d’avance. Bien sûr, notre association et notre projet sont trop jeunes encore pour se plier au genre rétrospectif, d’autant que je voudrai plutôt vous parler d’avenir aujourd’hui. Mais si le temps des bilans arrivera toujours bien assez tôt, nous retrouver tous ensemble ici même, à la MDA du onzième de Danièle Apocalle, me renvoie inévitablement à cette première soirée de lancement. Ce serait mentir que d’affirmer que nous étions alors bien certain de ce qui en résulterait. Nous étions réunis pour tenter quelque chose. Nous faisions en somme un pari, et parce que nous le tenons encore au terme de ces six premiers mois d’enseignement, je voudrai le refaire devant vous aujourd’hui. Je ne serai pas long car le buffet, vous le voyez, nous attend.



Le pari
Soirée de fin d'année du 19 juin 2009
De quoi s’agissait-il alors, de quoi s’agit-il encore aujourd’hui ? Essentiellement de payer deux frustrations d’une certitude.

Première frustration partagée par les membres de l’association, celle du professeur, ou de l’ancien élève, incapable de se résigner à la marginalisation ou à la lente déliquescence de l’école républicaine. De cette même école qu’on a pu vouloir constituer en véritable forge d’un savoir commun, d’une langue commune, et qui semble désormais promise à la découpe, à la dénaturation complète, par une indifférence patiente et laborieuse. Épuisée de réformes et de contre-réformes.

Seconde frustration qui nous rassemblait alors, celle du doctorant, du chercheur, de l’universitaire, incapable de se résigner à la relégation du travail de la pensée aux marges des colloques, des expertises ; là où elle ne dérange plus personne. Nous n’étions pas prêt à admettre que la passion mise au service de l’histoire, de la lecture, de la pensée enfin, dut se satisfaire de la triste expertise des « travailleurs du savoir », ou rêver de la tour d’ivoire d’une recherche culpabilisée ou vouée à la pédanterie. Pas plus que l’école ne nous semblait nous avoir appris que l’exigence était la clé de la « réussite », l’université ne nous parait pas avoir à choisir entre la peste et le choléra, l’autisme intellectuel et la « compétitivité », pour sauver sa peau.

Parce qu’il faut bien vivre, et qu’il n’y a pas de sots métiers, il est bien naturel de s’accommoder de nos institutions, des vices et sottises de nos métiers comme dirait Montaigne. Aussi donne-t-on le change au quotidien, dans nos classes ou nos laboratoires. Rien ne nous obligeait néanmoins à approuver ou à admirer les circonstances et les évolutions en cours : nos métiers et nos parcours n’ont pas vocation à épuiser ce qui les justifie à nos yeux. Et s'il est naturel de défendre en professeur sa profession, c'est savoir pourquoi on enseigne que de ne pas circonscrire cette défense aux cortèges et aux salles de professeurs.

Aussi l’Université conventionnelle est-elle née d’abord de l’envie de répondre à ces frustrations communes moins par la morne exaspération, l’impuissance sentencieuse auxquelles nous sommes souvent acculés, que par l’action et la construction. Le monde enseignant et universitaire n’a pas en effet à choisir entre la conscience malheureuse et la modernisation stérilisante. À nous d’explorer les chemins de traverses.

Car une même certitude nous rassemblait, celle-là même qui nous réunit aujourd’hui. L’intelligence produite par notre système éducatif, l’admirable tradition de culture et de jugement qui irrigue notre école, n’est ni vaine, ni tarie. Nos lycées sont riches de nombreuses personnes de rare culture ; ils méritent mieux que d’avoir à choisir entre les querelles de lutrin de l’université ou le rôle de rouage dans le système de sélection sociale. Ce savoir, non pas décrété, doré sur titre, mais fruit d’un travail patient, souvent obscur et anonyme, vivant dans les classes ou les amphis isolés, cette culture, nous la savons riche et ouverte à tous. Nous voulons qu'elle ne rougisse plus d'elle-même, qu'elle retrouve sa fierté d'être ce qu'elle est, de poursuivre les buts qui sont les siens propres.

Aussi notre pari reste-t-il le même, la culture scolaire en sa forme la plus élevée ne concerne simplement pas l’école ou l’écolier mais chacun d’entre nous, pour peu qu’il n’accepte plus d’avoir les pensées de sa classe sociale, de sa « culture » ou de son métier. L’université n’est pas davantage vouée à l’expertise ou à la vulgarisation, elle peut inviter au partage d’une même exigence, d’une même discipline, d’un même travail.

Ici même, en octobre, nous vous invitions donc à venir travailler avec nous, convaincu que la première réponse à opposer à la destruction de nos acquis scolaires et politiques était justement de l’ordre du travail. La discussion est aujourd’hui le refuge de toutes les impuissances ; le verbalisme épuise les capacités d’actions, de jugement, de transformation qui dorment inemployées en chacun, comme hypnotisées par le débat politique démocratique. L’école et l’université elles-mêmes meurent de n’être plus que des sujets de société, sur lesquels tout le monde croit avoir quelque chose à dire. Nous croyons que l’école n’est pas une chose dont on parle, mais un travail dont nul ne saurait se tenir quitte. C’est en ce sens que nous sommes tous responsables de la qualité des pensées communes, et d’abord par l’exigence que nous portons à l’égard de nos propres pensées. Libres à chacun de se croire quitte envers lui-même lorsque la lecture d’un blog ou d’un article de journal lui paraît suffire à trancher en docteur sur toutes choses. Libres à chacun de croire que les politesses de parti, de militants, de chapelles ou de fidélités dispensent de s’instruire. Le jugement libre nous paraît pour notre part imposer d’autres sources, d’autres devoirs, d’autres patiences.

Ceci admis, les réformes pourront patienter, car nul décret ne fera d’un bavard vaniteux un homme de jugement, nulle combinaison administrative ne pourra produire de l’intelligence comme on prétend arracher la croissance et la richesse… Car de même qu’il n’y a pas de justice sans souci d’être juste, il faut qu’existe un souci de la pensée pour que la pensée vive… Ainsi du moins les réformes proclamées, décrétées, « communiquées » n’auraient-elles plus à laisser croire qu’on pourra rendre les gens intelligents ou vertueux sans qu’ils le veuillent eux-mêmes, c’est-à-dire sans qu’on puisse reconnaître dans l’intelligence un bien et un but.


Un premier bilan
Soirée de fin d'année du 19 juin 2009
Je disais également que ce pari nous ne saurions le gagner, surtout en quelques mois (nous avons le temps, et saurons avancer pas à pas !) Ce pari, nous n’avons qu’à le tenir. Et avouons que jusqu’ici, les choses ne vont pas si mal.

Depuis octobre notre association a pu donner près de 120h de cours, gratuit, ouvert à tous, le tout sans frôler (encore) l’interdit bancaire. Sans communication, sans plan média, sans tête d’affiche, nous avons vu défiler plus d’une quarantaine de curieux, et gagner outre un petit noyau de fidèle quelques nouveaux amis.

Notre site n’a cessé de grandir, de s’étoffer, avec ses 150 articles, extraits, notes, commentaires. Nous sommes désormais référencés dans une dizaine de sites académiques, de philosophie ou de lettres ; nous faisons notre chemin.

Quelques chiffres tout de même, plus de 30 000 visites depuis septembre 2008, dont presque 9000 visiteurs différents. Plus de 100 000 pages vues, une cinquantaine d’heures de cours en ligne, gratuitement. Presque 2500 téléchargements…

Avec les moyens du bord, et surtout la bonne volonté et le travail de quelques uns, vous me permettrez de nous en féliciter, et de vous en remercier tous !

Je ne veux pas être long et dirai encore quelques mots de ce qui va suivre.


La suite
Soirée de fin d'année du 19 juin 2009
Après une longue lutte administrative, nous avons décroché une subvention conséquence de 4000 euros auprès de la Mairie, ce qui, ajoutés à vos dons, vos participations, devrait nous donner les moyens de nos ambitions. Alors qu’en faire, et que se passera-t-il en octobre prochain.

Nous ouvrons essentiellement deux chantiers pour le prochain semestre.

D’abord pérenniser nos cours, notre site, notre travail. La rentrée devrait proposer quelques nouveaux enseignements : un cours sur Spinoza, un cours sur Rousseau, par deux nouveaux professeurs bénévoles. Jean-Michel Muglioni devrait substituer à son cours sur Aristote un atelier de pratique de la langue philosophique, c’est-à-dire d’initiation à ce que la langue commune à de philosophique. L’atelier d’italien se poursuivra, ainsi que les lectures de Platon et de Tocqueville, selon toute vraisemblance. Le cours d’économie sera remplacé par une réflexion suivie autour des classiques de la pensée et du questionnement laïque en partenariat avec l’UFAL, représenté aujourd’hui par Bernard Teper. J’espère également que nous pourrons organiser un rendez-vous mensuel autour de Balzac ; l’Univers Conventionnelle n’a pas vocation à n’explorer que notre patrimoine philosophique. Je regrette de n’avoir pu trouver encore de quoi monter un atelier d’histoire général, mettant à jour nos chronologies, mais cela se fera, j’en suis sûr. Pour tout cela, nous nous activons pour trouver des salles, des enseignants, des financements… Nous ne nous arrêterons pas en si bon chemin.

Ensuite nous faire davantage connaître et défendre nos analyses et nos idées. Nous essaierons d’organiser à la rentrée une table ronde publique sur la question de l’école par exemple. Mais ce qui nous occupe le plus actuellement, c’est la préparation d’une nouvelle revue en ligne qui viendra compléter l’offre pédagogique du site par un contenu plus politique, plus actualisé. Notre pari est de faire vivre le paradoxe de l’association : allier pragmatisme, souplesse, et ambition théorique, exigence morale. Nous pouvons faire vivre l’esprit républicain, de fraternité, d’égalité exigeante, sans se plier aux patiences bureaucratiques, ou aux conventions et aux consensus démocratiques. Cette revue espérera rassembler d’abord les bonnes volontés, et jusqu’aux mauvaises pensées de tout bord, afin de mettre en avant les exigences d’une pensée réellement commune, d’une action sans verbalisme et hypocrisie : faire vivre un pluralisme de pensée et d’action qui ne soit ni une juxtaposition de particularismes, ni une synthèse, mais un travail fait ensemble pour reprendre possession de ce qui nous appartient en commun. Vous en saurez plus à la rentrée !

Je n’en dirai pas assez si je ne remerciait déjà ceux qui vont nous aider dans ce chemin : la mairie de Paris, c’est-à-dire la délégation aux universités de Jean-Louis Missika, celle aux associations d’Hamou Bouakkaz ici présent ; la mairie du onzième en la personne de son maire, Patrick Bloche, ou de son conseiller délégué aux associations, Francis Duran-Franzini. Je veux remercier également l’UFAL avec qui nous espérons pouvoir marcher de concert dans bien d’autres chemins. L’APPEP-IDF également, et son président, Nicolas Franck, ici présent, qui nous éclairera de ses lumières sur Rousseau à la rentrée. Les collectifs associatifs la Générale Nord-Est, la section locale de la LDH, le lycée Dorian… La liste serait longue, tant il est vrai qu’on n’avance jamais seul.



Quelques mots encore
Soirée de fin d'année du 19 juin 2009
Je ne voudrai pas vous laisser sans souligner enfin combien cette année nous a renforcé dans la conviction que les bonnes volontés devaient travailler désormais à construire plus qu’à gérer nos acquis, ou à critiquer la débandade.

Danton aurait dit ce mot fameux : « on ne détruit que ce que l’on remplace ! » le progressisme meurt de ne plus savoir inventer et agir, mais de se croire seulement dépositaire d’une histoire. Il est temps de ne plus nous borner à administrer un patrimoine, mais de le faire vivre, c’est-à-dire de l’accompagner par nos convictions dans son développement et sa maturation.

L’école républicaine a été jeune et audacieuse ; le socialisme a été une pensée neuve et riche de contradictions, il n’a porté des droits sociaux que par la force de foi nécessaire à l’égard du travail et de sa dignité. La classe de philosophie n’a pas toujours fait partie du paysage habituel d’un mois de juin. Fruit d’une volonté politique, elle pariait sur la possibilité d’un certain encyclopédisme au cœur du jugement civique. Elle a été, en son temps, austère et insolente à la fois, songeons seulement aux mots du jeune professeur Canguilhem dans son lycée de Charleville en 1930.

Aujourd’hui l’université peut se mettre en grève 4 mois sans qu’on parle d’autre chose que des examens ; le lycée peut être traité constamment comme un fait social sans que nul ne rougisse de son inculture, mais y trouve plutôt matière à enflure satisfaite. Nous devons penser de nouvelles structures, de nouveaux moyens ; nous n’avons plus le choix. Nous avons le temps toutefois, car que faire d’autre ? L’université conventionnelle ne souhaite qu’être une brique dans ce travail de redéfinition et de reconstruction de notre école, mais cette brique, si petite soit-elle, nous la croyons solide.

Merci à tous



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